#vacance
Sans projet, sans envie
Interchangeables, les deux compères semblent partager le même goût pour l’oisiveté. En effet, les aventures de Tif et Tondu s’ouvrent souvent sur un départ ou un retour de vacances, de même qu’elles se referment tout aussi régulièrement sur la résolution d’y retourner ou d’en profiter enfin. Les deux amis ne semblent être guidés que par cette unique motivation, ou encore celle de dormir. Au fond, Tif et Tondu incarnent l’obsession du non-être, de la passivité, de la vacance de soi. Ainsi, dans Les Flèches de nulle part, le récitatif évoque par l’antiphrase Tif et Tondu comme des « hommes d’action [qui] font lentement face aux dures réalités », alors même qu’ils sont plongés dans le sommeil. Dans Traitement de Choc (1984), alors qu’ils disposent d’une capacité à agir soixante-quinze fois plus vite que la normale, nos deux héros ne trouvent rien de mieux à faire que se reposer et s’assoupir. C’est pourquoi leurs rares initiatives personnelles reviennent au même et s’abolissent réciproquement. Une case des Flèches de nulle part est encore représentative du phénomène : elle montre deux fois Tondu expérimentant l’électromédon. Assez curieusement, on y voit le personnage à la fois voler et tomber, s’exclamer « oui » et « non » dans la même vignette (et l’orientation du corps s’inverse dans l’intervalle). En cohabitant dans la même case, les deux postures et les deux mots s’annulent pour laisser place à l’image du vide. À travers leur ressemblance et leurs paradoxes existentiels, les deux héros semblent être guidés par la volonté de rentrer l’un dans l’autre, de disparaître en eux-mêmes et de s’effacer.
— Nicolas Tellop, « Tif et Tondu – Du crime considéré comme un des beaux-arts », Kaboom, no 5, mai-juillet 2014
Le Retour de Choc, p. 46