#prisonnier

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Pas facile d’être soi même dans ce monde. Je me cache toujours derrière un masque pour me protéger, pour moins souffrir (enfin je tente de m’en persuader). J’ai besoin de ce masque pour cacher mes émotions, mes faiblesses… Alors je deviens forte, insensible, parfois méchante… cette autre image de moi me rassure même si elle ne reflète en rien ma réalité de vie… Ce masque est malheureusement devenu une question de survie et j’espère qu’un jour, j’arriverai à le faire tomber. A vivre cette vie, la vraie, qui est certainement meilleure que celle dans laquelle je suis prisonnière.

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La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore.
Reconnaissance à Georges de La Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogue d’êtres humains.

René Char,Feuillets d’Hypnos, in Fureur et Mystère, 1946.

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